En me promenant, je suis tombée sur une croix

“Ce travail interroge les dynamiques en jeu derrière la pratique photographique, qui, loin d’être neutre, peut dominer et contrôler le récit. L’Amazonie, où les images coloniales ou post-coloniales qui assignent et déforment sont fréquentes, en a souvent fait les frais. La photographe, en résidence à Belém, au Brésil, le sait pertinemment. Mesurant le pouvoir de l’oeil qui dirige l’objectif, elle s’interroge : « Comment, alors, éviter la reproduction de ces rapports de pouvoir ? »

Sa réponse se dévoile dans un jeu de reflets entre extériorité et intériorité. Autour d’autoportraits sensibles rayonne une constellation d’images qui expose un univers rhizome, tissé de détails signifiants. De ce travail, l’artiste dit : « J’y entreprends un dialogue entre moi-même et le monde, entre espaces intérieurs et extérieurs. Je (dé/re)compose, photo après photo, un puzzle mouvant au travers duquel j’interroge les liens/lianes, que tissent les corps, les objets, dans les espaces, urbains/sauvages, qu’ils habitent/traversent. »

En ressort un kaléidoscope syncrétique, ponctué de gestes aux ferveurs sincères. « En me promenant, je suis tombée sur une croix. Et mon regard, fasciné et gêné à la fois, n’a cessé d’être retenu par cette iconographie religieuse. (…) Des vierges noires, des vierges blanches. Des bougies, des cierges, des chapelets, des perles, des amulettes et statuettes, des saints, des orishas. Sao Bendito, Mai do Rio, Yemanja, Oxum, Ogum. De l’encens, des incantations, des bains… ». Ce Belém spirituel et métisse donne à voir un paysage intérieur fait de racines multiples. Un entrelacs chaotique et touchant, qui parle autant de l’auteure que du lieu qu’elle capture, l’espace d’un instant, de son objectif éminemment subjectif.”

Muriel Guaveïa,

texte publié dans le catalogue des Rencontres Photographiques de Guyane, 2023