RETOURNER AU PÉYI
Longtemps, j’ai rêvé la Guyane. J’ai quitté ma petite commune de Régina à l’âge de 2 ans. Direction l’Alsace. Pendant 23 ans, la Guyane a continué d’exister à travers les albums et les VHS que mes parents filmaient lorsqu’on rentrait pour les vacances. En 2019, j’ai tout plaqué et j’ai décidé de rentrer. Un compact argentique à la main, j’ai documenté mes retrouvailles avec ce pays à présent aussi familier qu’étranger. Par où commencer ? Rentrer au péyi, c’est aussi se questionner sur son regard, sa place, son identité. De retour “chez moi” mais paradoxalement en perte de repères, j’ai commencé par ce que je connaissais.
J’ai retrouvé le fleuve, et je l’ai suivi.
De Régina à Maripasoula, de l’Approuague au Maroni, au fil de l’eau, j’ai retrouvé mon enfance, et les voies vers la mémoire et l’identité réconciliées. J’ai cheminé des souvenirs intimes vers le vécu collectif, vers ces manières singulières d’habiter l’Amazonie, cet art de ralentir la vie au fil des marées. J’ai retrouvé la pêche et l’enivrement des virées en pirogue, la sueur du travail à l’abattis puis la fraîcheur salvatrice de la baignade à la crique. Je me suis attardée sur ces scènes, ces gestes, ces rituels, que je pourrais décrire les yeux fermés.
En grandissant, j’ai souvent été émue, mais aussi envieuse des archives photographiques noires américaines et leur célébration intime et douce de la black life. Elles m’ont inspirée à offrir à la Guyane autre chose que ces regards journalistiques et anthropologiques qui stigmatisent sa représentation. Un espace-archive de l’intérieur pour inscrire son langage, sa poésie d’un quotidien suspendu au bord de l’eau.